Comment dire n’importe quoi sur l’ACV dynamique
Autant je trouve certains journalistes excellent.e.s autant d’autres arrivent à faire preuve d’un parti pris tellement flagrant avec en plus des erreurs techniques graves que cela en devient presque…triste. Je n’ai vraiment pas eu envie de rire en lisant le papier « RE2020 : l’ACV dynamique, c’est de la dynamite écologique et … politique ! » rédigé par Alice Delaleu qui raconte n’importe quoi. Surtout tellement n’importe quoi que je vais reprendre in extenso l’article et le debunker en entier, attention assez long à lire mais instructif.
Le texte “normal” c’est le texte d’origine, les parties barrées sont les parties fausses et mes explications en italique avec la flèche devant :
Les ministres Emmanuelle Wargon et Barbara Pompili et les fédérations des métiers du bâtiment vont devoir trouver des arbitres tant le contentieux est grave. En effet, l’USH, la FPI, le Pôle Habitat FFB, la FFB, la Fédération SCOP BTP, la CAPEB, l’UNSFA et l’UNTEC, dans un courrier commun adressé aux ministères le 12 janvier expliquaient leurs incertitudes, concernant notamment l’Analyse du cycle de vie (ACV) Dynamique, tout juste tirée du chapeau en cette fin d’année
➔ Non c’est officiellement dans les tuyaux depuis mars 2019, regardez les groupes d’expertise (GE3) pour cela. (Le groupe ayant démarré probablement 6 à 8 mois plus tôt)
En Janvier pourtant, le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) a pourtant rendu un avis favorable, et très politiquement correct, appuyé par d’autres organisations, parmi lesquelles l’Ordre des Architectes (en désaccord visible avec son principal syndicat).
➔ On aurait aussi pu avoir l’avis d’autres groupes/personnes ?
Pour la petite histoire, le 17 novembre 2016, le ministère du Logement lançait en grande pompe le label d’Etat Bâtiments à Energie Positive et Réduction Carbone, pour préfigurer la RE2020, alors dans les cartons. L’idée était de revoir et tester les méthodes de calcul et les indicateurs pour faire évoluer la RT2012 devenue obsolète, au regard des objectifs nationaux de réduction des émissions carbone dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), elle-même introduite par la loi de transition énergétique pour la croissance verte.
Dans le label E+C-, l’indicateur “Carbone” reposait sur une analyse de l’ACV statique qui porte sur un calcul des émissions de gaz à effet de serre (EMS, on dit GES) d’une part sur la totalité du bâtiment, et d’autre part sur l’ensemble des produits de construction et des équipements, pour une durée de vie de 50 ans. Le label E+C- et ses modes de calculs avaient fini par faire leurs preuves,
➔ Non justement, on pouvait arriver à faire dire que le béton était aussi bien que le bois ce qui est physiquement faux. Le stockage carbone n’est pas pris en compte ce qui est aussi aberrant. La phrase aurait pu être « les calculs avaient fini par rentrer dans les mœurs »
augurant une RE2020 capable de s’améliorer mais satisfaisant chaque filière du BTP.
➔ Satisfaisant la filière « non biosourcée » puisqu’on restait sur un statut-co quant à leur avantage mais cela ne satisfaisait pas la filière biosourcée
Le bilan carbone du bâtiment devenait à la fois réglementaire et surtout mesurable sur de premières bases intelligentes et intelligibles. A titre d’exemple, le réemploi de matériaux en structure et façade pouvait enfin entrer dans les mœurs du BTP.
➔ Déjà il est extrêmement difficile d’utiliser des matériaux de réemploi pour la structure et la façade mais notons aussi que le réemploi a été introduit par les certificateur et non pas dans les règles du E+C-
Fort de ce succès, les premières versions des modes de calculs de la RE2020 furent dévoilées aux professionnelles en 2020, et la RE2020 annonçait un changement de ces modes de calculs carbone passant de l’ACV statique, utilisée dans la délivrance du label E+C-, vers une ACV dynamique.
En statique, chaque étape de la vie d’un matériau avait une même valeur. Dans le nouveau mode de calcul, les capacités de stockage temporaires du carbone sont prises en compte
➔ Non, le principe c’est uniquement de considérer qu’une émission aujourd’hui a plus d’impact qu’une émission plus tard. C’est logique, le CO2e émis reste moins longtemps dans l’atmosphère donc a moins d’impacts. C’est en lien avec le stockage temporaire dans le sens ou le carbone du bois est relargué en toute fin de vie et non à l’instant de sa pose, contrairement au béton.
et les coefficients appliqués ont plus de poids au début du cycle de vie et diminuent en fin de vie. Par voie de conséquence, les matériaux biosourcés et surtout le bois sont ainsi ouvertement privilégiés.
➔ Peut-être préciser que c’est logique c’est ce que la SNBC, qui s’applique aux bâtiment, recommande.
La RE2020 considère ainsi une construction sur 50 ans, comme si l’emballement carbone allait subitement s’arrêter. Ce serait faire totalement fi d’une réalité physique et géographique complexe dans laquelle le Permafrost ne commence que son long réveil.
➔ Si on peut m’expliquer, je n’ai rien compris
Seulement, aucune norme ISO (contrairement au mode statique qui se fonde sur le principe de la norme NF EN 15978) ou internationale ne reconnaît ce mode de calcul dynamique,
➔ C’est vrai mais on aurait pu préciser que c’est issu d’un travail de recherche international dont je retrouve des traces dès 2008 ! (il y a 12 ans)
d’autant plus obscur que le résultat dépend du facteur temps choisi.
➔ Ce n’est pas obscur, il faut lire la méthode et oui, cela dépend de l’horizon de temps, mais c’est obligatoire pour faire les calculs et déjà fait dans l’ACV statique.
Quant au facteur éthique, il semble être bien loin de nombreuses préoccupations.
➔ Statique ou dynamique c’est la même éthique, on choisit une méthode avec ses avantages et inconvénients. On peut relire ce petit texte que j’avais écrit sur la science et la philosophie
En effet, privilégiant les émissions en fin de vie, on transfère sans trop de complexes,
➔ Voir mon article, on ne transfert pas mais on laisse une possibilité, un choix aux générations futures.
le carbone directement aux générations futures. L’ACV met en place une obligation de moyens plutôt de résultats.
➔ C’est faux c’est bien une obligation de résultat.
Avec la RE2020, le ministère semble encore mettre la charrue avant les bœufs en bridant d’emblée les filières vécues comme moins vertueuses,
➔ Non elle valorise la filière biosourcée en accord avec la SNBC mais ne bride personne.
mais dont les facultés de R&D sont considérables.
➔ Tant mieux du coup ce n’est pas grave alors d’avantager le biosourcé.
Sans nul doute une erreur stratégique.
➔ Remplacer « erreur » par « logique » (voir SNBC)
Le chauffage électrique prévaut désormais, quand le gaz avait jusque-là les faveurs vertes.
➔ Non le gaz n’avait pas de faveur particulière c’est juste qu’un calcul en énergie ou en carbone ne donne pas le même résultat. En énergie, le gaz n’est pas mauvais, en carbone il est mauvais.
Les industriels sont en effet peu consultés, ou de loin. Pourtant, ne devraient-ils pas être les premiers concernés par la baisse des émissions carbone en planchant sur de nouvelles solutions plus efficientes et ainsi servir de guide prospectif à la réglementation, et non pas l’inverse ?
➔ Depuis quand les industriels prennent les devants sans une contrainte réglementaire ou financière ? C’est en tout cas assez rare pour passer par la réglementation.
D’autant que l’ACV statique a démontré que des structures bétons pouvaient être plus performantes que des structures bois.
➔ C’est « presque aussi performante » et c’est justement le cœur du problème car c’est physiquement aberrant, le bois ne nécessite pas de cuisson à haute température et a donc un bilan plus faible et le bois stock du carbone.
Favoriser la jeune filière bois pose également de nombreuses questions,
➔ Autant de questions que la favoriser va permettre d’en résoudre entre autre parce qu’elle va permettre d’organiser la filière.
notamment de gestion du matériau brut sans oublier que les forêts, en tant que puits carbone sont nécessaires à la lutte contre le changement climatique. Sans compter les incendies de plus en plus fréquents et destructeurs qui rendent sur le long terme la séquestration carbone incertaine. Enfin, la filière bois, qui souffre d’une incapacité chronique à se structurer et qui n’affiche pas loin de sept milliards d’euros de déficit est obligée de faire appel à l’importation. L’UICB a lancé un audit afin de mieux connaître ses ressources, il serait temps ! Autre gageure, si le bois paraît le bon élève de la classe, ce n’est qu’en théorie, il n’existe en effet que peu de recul sur la construction actuelle en bois, ou en matériaux biosourcés.
➔ C’est intéressant de voir uniquement le côté négatif et pas le côté positif. C’est aussi intéressant de voir que la construction bois est bien plus répandue partout ailleurs dans le monde, il n’y a que les français qui ont des problèmes avec le bois alors ? #ironie
Exclure des filières
➔ Il n’y a pas d’exclusion mais simplement d’augmenter la part de matériaux biosourcée, pour l’instant inférieur à 10% des construction annuelles.
n’offre qu’une vision partielle des solutions
➔ Pierre, bois, terre, chanvre, mixte de tout ça, mixte avec du béton et bien d’autre encore…c’est sûr que ce n’est pas assez complet ?
et jeter les filières les unes contre les autres n’est ni un modèle technique qui pousse à la réflexion globale, ni un modèle économique viable sur le long terme dans la mesure où il est créateur de rupture.
➔ Si la rupture c’est réduire le bilan carbone des bâtiments, tout le monde y gagne ? Et il n’y a pas de jeter qq’un contre qq’un d’autre, c’est seulement prendre en compte l’impact décalé du carbone.
En effet, dans la lettre adressée aux ministres, les signataires condamnent « des arbitrages techniques » qui traduisent une approche « trop technocratique d’une partie des mesures proposées ».
➔ Phrase un peu vide, la loi doit forcément faire des arbitrages, elle ne pourra pas satisfaire tout le monde, du coup il y aura forcément quelqu’un qui dira que c’est technocratique ?
Quelles seraient les conséquences de l’application de ces textes en l’état ? Certainement un surcoût des constructions, actuellement très sous-évalué par le ministère,
➔ Comment peut-on écrire « certainement » sans un prix et dire que c’est « sous-évalué » ?
et de lourds impacts pour les filières constructives.
➔ Lesquels ? Écrire ça sans donner d’exemples c’est un peu bizarre
Autre reproche fait à l’ACV dynamique est qu’elle est essentiellement fondée sur des calculs et des formules mathématiques,
➔ Oui c’est bien comme dans toutes les ACV, même la statique, comme dans toutes les RT. C’est pour cela que les ingénieurs existent.
déconnectées de la réalité physique du terrain. A titre d’exemple, l’impact d’une façade mur-rideau par rapport à sa surface de plancher équivaut entre 50 et 400 kg de CO² pour une tonne de matériaux employés. Si réfléchir au bilan carbone revient à améliorer d’un quart le poids de la façade, alors d’office, le résultat sera meilleur dans les faits, mais pas en termes de calcul.
➔ Si quelqu’un peut m’expliquer le raisonnement…
La missive du 12 janvier dénonce également une méthode « en rupture avec les travaux d’E+C- » et qui « reste expérimentale et n’est conforme ni aux normes européennes, ni aux normes internationales de mesure des émissions de gaz à effet de serre des matériaux ». L’opacité des calculs
➔ Non tout est détaillé, il y a même un excel. Si on se donne la peine il est possible de comprendre. Un bon départ c’est le CIRAIG.
et la volonté d’imposer des règles dynamiques non reconnues à l’échelle européenne démontrent aussi une incapacité à réfléchir dans la sphère mondiale,
➔ C’est au contraire une avance par rapport au reste du monde. La prise en compte de l’ACV dans la réglementation est une première mondiale, l’Angleterre y réfléchie maintenant. Avec l’ACV dynamique on continue à avoir une longueur d’avance.
quand bien même le bilan carbone est surtout un problème international.
➔ Et ? En quoi une méthode internationale améliorerait le bilan carbone de la planète en entier ?
L’imposition de l’ACV dynamique dans la RE2020 témoigne donc de la démarche individuelle de la France sur ces sujets alors que chacun devrait travailler ensemble de façon responsable et standardisée.
➔ Si on avait attendu le monde il n’y aurait pas encore d’ACV réglementaire.
Par ailleurs, les industriels présents à l’international seront pénalisés avec l’ACV Dynamique puisque cette méthode de calcul n’existerait qu’en France.
➔ Non, car on ne fait que rajouter un coefficient à une base de donnée française et non internationale. Personne, hormis la France, n’utilise INIES. Donc c’est une méthode qui est uniquement française et qui reste uniquement française, statique ou dynamique, c’est pareil.
L’orientation politique est claire, électoraliste.
➔ Je ne suis pas persuadé que se mettre à dos 90% de la fabrication des bâtiments soit électoraliste.
Paradoxalement, elle laisse de moins en moins de place à la prospective.
➔ Le but de l’ACV dynamique c’est de regarder le temps long et son évolution…c’est donc intrinsèquement prospectif non ?
Que se passera-t-il après les 50 ans ?
➔ Comme en ACV statique qui considère qu’on met tous les matériaux en décharge.
Plutôt que de tergiverser sur qui a les faveurs de la maîtresse, peut-être que chacun gagnerait à s’impliquer davantage dans la recherche de solutions à bien plus long terme, qu’il y ait une loi, ou pas !
➔ Très bonne conclusion puisqu’une des solutions possibles serait d’intégrer l’ACV dynamique qui donne un coup de pouce aux matériaux biosourcés, une solution de long terme pour réduire l’impact des bâtiments. Arrêtons de tergiverser !
Texte original par Alice Delaleu
➔ Commentaires de Guillaume M.
Voilà, c’est peut-être le pire article sur l’ACV dynamique que vous pouvez lire