Le confort estival dans un bâtiment
Tout savoir sur le confort d’été, les indicateurs et les seuils utilisés dans les études techniques des bâtiments.
Retrouvez ici la suite de posts que j’ai publiée sur Linkedin (très légèrement adaptés)
- A/ Quelle est la température d’air d’inconfort estival ?
- B/ Le confort qui s’adapte
- C/ Le confort et l’humidité (et le vent)
- D/ Le confort avec l’humain
- E/ Tentative de conclusion
A/ Quelle est la température d’air d’inconfort estival ?
Si on fait abstraction de l’humidité, quand on parle de température d’inconfort on parle souvent de satisfaction et des études du professeur Fanger avec son fameux PMV/PPD qui peut sembler complexe. J’y reviens plus tard, mais dans cette partie, faisons simple et restons sur la température d’air d’inconfort.
Habituellement vous pouvez voir le NH28 pour Nombre d’Heures (de l’air) supérieures (ou égales) à 28°C. C’est un indicateur très simple à calculer, on pourrait donc retenir ce 28°C.
Mais si on parle RE2020, alors on parle en DH pour degrés heure qui est un peu comme des kWh, des kW x h, là ou le DH c’est des °C x h.
Le D de DH c’est une température opérative, c’est-à-dire en prenant une part du rayonnement des parois. Ce n’est donc pas simplement la température de l’air mais une température de l’air un peu améliorée.
Cette température opérative se compare à un seuil qui est basé sur le confort adaptatif c’est-à-dire que le seuil s’adapte en fonction de la température extérieure (je détaille cela plus bas). Notons pour l’instant que plus il fait chaud plus notre tolérance est grande, plus le seuil est haut.
Bon en clair je raconte quoi ?
▶️ En RE2020 la température max oscille entre 26°C et 28°C….ah enfin !
Alors oui mais 26°C ou 28°C c’est comment ?
C’est là ou cela devient intéressant, le CSTB a étudié la perception du confort thermique dans un bâtiment. Parmi les enseignements, il y en a un qui nous intéresse :
❝ Le seuil adaptatif utilisé et compris entre 26 et 28°C représente une sensation thermique chaude, un ressenti inconfortable et tout juste inacceptable ❞
Et surtout :
▶️ ❝ Les seuils critiques de sensation thermique très chaude, d’inconfort extrême et de grande inacceptabilité se situent au-dessus de 28°C ❞
Donc oui 28°C pour la température de l’air est une bonne approximation du confort (ou de l’inconfort). Vous avez maintenant compris une partie du problème des canicules (qui dépasse 31°C à Paris)
Journée de la recherche du CSTB ➜ https://lnkd.in/en4spPP5
Et si l’histoire du confort vous passionne [EN] :
On the history of indoor environment and it’s relation to health and wellbeing ➜ https://lnkd.in/ecxhsEpu
B/ Le confort qui s’adapte
Nous avons donc vu un indicateur thermique pour mesurer le confort (la température d’air et la température opérative) mais aussi d’un seuil, le 28°C. C’est en effet assez simple de mesure la température d’air et 28°C est un chiffre facile à retenir.
Mais le confort, vous vous en doutez, c’est plus subtil que ça, on peut parler du vent de l’humidité et de plein d’autres facteurs et donc indicateurs qui donnent autant de seuils d’inconfort.
Dans cette partie, parlons adaptation, en partant de l’idée que l’homme peut, dans une certaine mesure, s’habituer à une température élevée, s’habituer ici, voulant dire un ajustement des attentes et donc une plage de confort plus grande. Il a été démontré qu’en fonction de la température extérieure, et en ayant un contrôle sur son environnement, l’être humain peut adapter son degré de confort.
▶️ Voilà, c’est le modèle du confort adaptatif.
Notez que ce n’est qu’un modèle, c’est la particularité du confort qui n’est jamais “absolu”
Le confort adaptatif, pour faire simple, on prend la moyenne de la température extérieure (sur 5 jours minimum) et plus la température monte, plus la plage de confort monte. Ainsi avec une température moyenne extérieure à 28°C, l’être humain accepte 30°C à l’intérieur, là ou avec 26°C à l’extérieur, l’être humain accepte seulement 29°C.
C’est très linéaire et finalement très simple et c’est beaucoup utilisé pour étudier le confort surtout dans les bâtiments en ventilation naturelle. On notera que c’est normé, EN-16798 (en France) ou ASHRAE Standard 55–2023 (USA).
▶️ Avec le confort adaptatif, ce fameux chiffre de 28°C peut-être dépassé mais comme tout modèle il comporte des limites (adaptation aux pays humides, habillement…)
Et si vous voulez aller plus loin il existe essentiellement trois catégories d’adaptation thermique :
◾️ Comportementale (ouvrir les fenêtres et allumer les ventilateurs, régler les stores, changer de vêtements),
◾️ Physiologique (vasodilatation, sueur) et
◾️ Psychologique (accoutumance, Nord/Sud).
Sur Linkedin, mon post précédent, 28°C (et voir le commentaire d’Arnaud Vandendriesche) ➜ https://lnkd.in/eH7hYBwu
L’outil du CBE sur le confort ➜ https://lnkd.in/eenDPt_n
Une bonne explication [EN] ➜ https://lnkd.in/ejNHGWJX
C/ Le confort et l’humidité (et le vent)
On a vu précédemment un seuil de température (28°C) pour une simple température dites “sèche” et un indicateur avec la température adaptative. Seulement ces deux indicateurs n’abordent pas la question de l’humidité de l’air qui est un paramètre important du confort d’été.
Une 3ème manière de caractériser le confort c’est de regarder le confort à l’aide d’un diagramme psychométrique (parfois appelé diagramme de Carrier en lien avec l’ingénieur qui a inventé la climatisation).
Ici on regarde la température de l’air (axe horizontal) mais on regarde aussi le taux d’humidité de l’air (en %) qu’on met en courbe (en bleu foncé, voir plus bas).
On utilise souvent les seuils dit du « diagramme de Givoni » (le nom d’un célèbre architecte, Baruch Givoni) :
Il existe une zone de confort entre 20 et 27°C et quand l’humidité devient trop élevée, au-delà de 50%, la limite haute acceptable diminue pour atteindre 25°C jusqu’à 80% d’humidité maximum.
Ce qui est bien avec ce diagramme c’est que si on considère que l’on a une petite brise, alors on peut étendre notre zone de confort. 30°C devient acceptable s’il fait sec ou 85% d’humidité mais sous les 26°C.
Pour le seuil de confort, il suffit alors de placer dans ce diagramme toutes les heures de l’année et de compter les points qui sortent d’une zone définie (en pourcentage du temps).
▶️ Ici on commence à avoir un indicateur assez complet qui prend en compte la température, l’humidité ainsi que la vitesse de vent.
Une explication plus complète ➜ https://lnkd.in/g7QtmJjM
Une autre explication (et les limites) par EODD ingénieurs conseils (billet 3) ➜ https://lnkd.in/gKhgpPyi
Outil en ligne avec un diagramme psychométrique ➜ https://lnkd.in/g5TERdUC
Baruch Givoni ➜ https://lnkd.in/gNHiV95W
D/ Le confort avec l’humain
Pour finir, on a donc vu 3 méthodes pour regarder le confort, mais à chaque fois, l’être humain est mis un peu de côté.
Eh bien, c’est ce côté “tout dépend de tout, le confort c’est subjectif” que le Chercheur P. O Fanger (1970) a voulu résoudre avec sa méthode statistique empirique dite de “Fanger”, le PMV/PPD.
L’idée ici c’est de trouver le nombre de personne insatisfaite à l’aide d’un vote “moyen” sur le confort en prenant en compte non seulement les paramètres physiques de l’environnement (température air, murs, vitesse d’air, humidité) mais aussi 2 paramètres dépendants de notre comportement, ce que l’on fait et comment on est habillé.
Ces 6 paramètres permettent de trouver le PMV (Predicted Mean Vote), à savoir quelle serait l’appréciation du confort sur une échelle de -3 à 3, zéro étant un état ni chaud ni froid.
Le corollaire, en relation linéaire, c’est que suivant le PMV, on peut connaître le pourcentage de personnes insatisfaites (PPD, Predicted Percentage of Dissatisfied). Par exemple si le PMV est 0 (donc parfait) il y a quand même forcément 5% de personnes qui sont inconfortables. Avec un PMV entre -0,5 et +0,5 il y a 10% d’insatisfaits, de PPD.
Voilà, c’est ça le PMV/PPD et les 10% sont la limite maximale souvent utilisée, ce qu’on pourrait appeler la zone de confort.
Si le PMV/PPD semble parfait, il n’est pas utilisé si souvent car il date un peu (il existe au moins 2 versions améliorées dont une pour les bâtiments non climatisés dans les climats chauds) mais surtout parce qu’il ne regarde pas la température de l’air extérieur et donc n’est pas idéal dans un bâtiment sans climatisation (voir confort adaptatif).
On peut aussi noter qu’en impliquant l’usager, il met un peu en second plan le bâtiment. Certains diront que c’est une bonne chose, je pense surtout qu’il faut les 2 de manière indépendante. Un bon bâtiment et aussi des bons usages et usagers.
Voilà, pour les espaces intérieurs vous avez les 4 grands indicateurs du confort.
La température d’air, le confort adaptatif, le confort « de Givoni » ➜ https://lnkd.in/gGBasUgd
Un bon article sur le PMV/PPD [EN] ➜ https://lnkd.in/eirPmea9
Pour aller beaucoup plus loin [EN] ➜ https://lnkd.in/egYsS43E
E/ Tentative de conclusion
Est-il vraiment possible de conclure sur le confort d’été, qui est souvent un sujet de débat très technique ?
Peut-être commencer par dire que, malgré le côté « tout dépend de tout », c’est calculable et il est possible d’utiliser des indicateurs et des seuils qui correspondent à un certain confort, à une zone de confort.
Et si la température de l’air est parfois décriée, elle reste un bon indicateur. On peut pousser plus loin avec le diagramme de Givoni qui possède de nombreux atouts.
Un point d’attention important réside dans l’usage des données de départ notamment, le fichier météo (intégration de l’ICU et du changement climatique).
Bref en 2024, s’attarder sur le confort d’été ne devrait pas être une question mais une obligation, bien aidée déjà par la RE2020.